1918-2009

Dans les veines de Maurice Druon se mêlaient des origines russes, languedociennes, flamandes, brésiliennes, le tout teinté d’influences juive, catholique et protestante. Comme si cette variété ne suffisait pas, il fallut encore qu’il eut deux pères : « L’un par le sang, qui disparut avant que j’aie pu inscrire en ma mémoire l’image de ses traits, l’autre adoptif, à qui je dois tout, je veux dire tout ce que le premier, hors sa part de mes gènes, ne m’apporta pas ni n’aurait pu m’apporter ». Une enfance en Normandie précède des études secondaires au lycée Michelet, puis l’Institut d’études politiques de Paris de 1937 à 1939. 

Mobilisé en 1939, formé à l’école de cavalerie de Saumur, il participa à la campagne de France avec le grade d’aspirant. Démobilisé, il demeura en zone libre où il écrivit sa première pièce de théâtre Mégarée, qui sera représentée à Monte-Carlo en 1943. Mais son destin devait basculer.

La défaite, inacceptable humiliation, avait nourri un puissant sentiment d’indi-gnation. Celui-ci guidera ses combats tout au long de sa vie. Contre le nazisme d’abord, les totalitarismes ensuite, mais aussi contre l’irrévérence envers la langue française, contre la démagogie, la vulgarité, la lâcheté.

En 1942, il rejoignit Londres et la France libre après une traversée rocambolesque des Pyrénées espagnoles qui devait le conduire jusqu’au Portugal en compagnie de son oncle Joseph Kessel et de Germaine Sablon. Cet engagement aux côtés de la France libre fut le début d’une fidélité au gaullisme qui jamais ne se démentit.

Aide de camp du général d’Astier de la Vigerie, puis affecté à la rédaction de l’émission radiophonique de la France libre
diffusée par la BBC « Honneur et Patrie » ; il en composa le générique avec son oncle Joseph Kessel.

Mis en ondes avec le concours de Germaine Sablon et d’Anna Marly, Le Chant des Partisans (1943) transcendera bientôt les consciences résistantes et deviendra en peu de temps le symbole vivant de leur ralliement.

La victoire acquise, Maurice Druon se consacra à sa carrière littéraire dès 1946. Le succès ne se fit pas attendre. 

En 1948, il reçut le prix Goncourt pour Les Grandes Familles suivi de La Chute des corps et de Rendez-vous aux enfers qui composèrent une trilogie.

Sa carrière littéraire fut féconde : romans, essais, contes et nouvelles, mémoires, théâtre : La Dernière brigade (1946), roman inspiré de son expérience à Saumur, La Volupté d’être (1954), ainsi que des romans mythologiques : Alexandre le Grand (1958),
Les mémoires de Zeus I (1963), II (1967) et Tistou les pouces verts (1957) un conte pour enfant écrit «pour se reposer » entre deux tomes de ce roman historique qui allait enflammer l’esprit de plusieurs géné-rations de lecteurs : Les Rois Maudits.

Cette fresque médiévale retrace le destin de la famille royale de France au tournant du XIVe siècle. Récit richement documenté par les collaborateurs de l’écrivain qui comptèrent dans leurs rangs Christiane Grémillon, Georges Kessel, José-André Lacour, Gilbert Sigaux, Pierre de Lacretelle, Edmonde Charles-Roux et pour ce qui concerne les volumes 5 et 6, son épouse Madeleine.

Adaptée par deux fois à la télévision, l’oeuvre reçu un accueil enthousiaste de la part du public ainsi qu’un retentissement international.

Consacré par la critique, récompensé par le prix Prince Pierre de Monaco (1966), c’est au siège de Georges Duhamel qu’il fît son entrée à l’Académie française, quatre années après son oncle Joseph Kessel.

Benjamin de l’institution lors de son entrée sous la coupole, Maurice Druon en était le doyen quarante-deux ans plus tard, à son décès. Près d’un demi-siècle durant lequel il joua un rôle majeur à l’Académie, dont il devint le 7 Novembre 1985 le secrétaire perpétuel, fervent défenseur de la langue
française. Sa détermination à soutenir cette cause lui vaudra le titre de docteur honoris causa des universités de York (Ontario), de Boston (Etats-Unis), de Tirana (Albanie) et depuis 1973 celui de membre associé de l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux.

Georges Pompidou en fît brièvement son Ministre des Affaires culturelles. L’expérience fut houleuse, les us et coutumes du monde politique et culturel s’accommodant mal de son franc-parler.

Élu député RPR en 1978 dans le 17e arrondissement de Paris, il exerça par la suite divers mandats européens avant de mettre un terme à son engagement après la victoire socialiste du 10 mai 1981. Il n’abandonna pas pour autant le terrain politique, et jusqu’à sa mort prit part au débat en y défendant ses valeurs, tant par sa verve que par sa plume.

« Après la peur de mourir, la plus grande peur des hommes, c’est d’être oubliés » écrivait-il, alors âgé de 34 ans.

1898 - 1979

Fils de Samuel Kessel, médecin juif d’origine lithuanienne qui vint passer son doctorat à Montpellier, puis partit exercer en Amérique du Sud, Joseph Kessel vécut en Argentine ses toutes premières années, pour être emmené ensuite de l’autre côté de la planète, à Orenbourg, sur l’Oural, où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s’installer en France.

Il fit ses études secondaires au lycée Masséna, à Nice, puis au lycée Louis-le-Grand, à Paris.

Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au Journal des Débats, dans le service de politique étrangère.

Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l’Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kessel choisissait de prendre part aux combats, et s’enrôlait comme engagé volontaire, d’abord dans l’artillerie, puis dans l’aviation, où il allait servir au sein de l’escadrille S.39. De cet épisode, il tirerait plus tard le sujet de son premier grand succès, L’Équipage. Il termina la guerre par une mission en Sibérie.

Ainsi, quand le conflit s’acheva et que Kessel, dès qu’il eut atteint sa majorité, demanda la nationalité française, il portait la croix de guerre, la médaille militaire, et il avait déjà fait deux fois le tour du monde.

Il reprit alors sa collaboration au Journal des Débats, écrivant également à La Liberté, au Figaro, au Mercure, etc. Mais, poussé par son besoin d’aventures et sa recherche des individus hors du commun, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, il allait entamer une double carrière de grand reporter et de romancier. Il suivit le drame de la révolution irlandaise et d’Israël au début de son indépendance ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premières lignes de l’Aéropostale, et navigua avec les négriers de la mer Rouge.

Son premier ouvrage, La Steppe rouge était un recueil de nouvelles sur la révolution bolchevique. Après L’Équipage (1923), qui faisait entrer l’aviation dans la littérature, il publia Mary de Cork, Les Captifs (grand prix du roman de l’Académie française en 1926), Nuits de princes, Les Cœurs purs, Belle de jour, Le Coup de grâce, Fortune carrée (qui était la version romanesque de son reportage Marché d’esclaves), Les Enfants de la chance, La passante du Sans-souci, ainsi qu’une très belle biographie de Mermoz, l’aviateur héroïque qui avait été son ami. Tous ces titres connurent, en leur temps, la célébrité.

Kessel appartenait à la grande équipe qu’avait réunie Pierre Lazareff à Paris-Soir, et qui fit l’âge d’or des grands reporters. Correspondant de guerre en 1939-40, il rejoignit après la défaite la Résistance (réseau Carte), avec son neveu Maurice Druon pour s’engager dans les Forces Françaises Libres du général de Gaulle.

Kessel publiait, en hommage à ses combattants, L’Armée des Ombres. Il finirait la guerre, capitaine d’aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survolait la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.

À la Libération, il reprit son activité de grand reporter, voyagea en Palestine, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C’est ce dernier pays qui lui inspirerait son chef-d’œuvre romanesque, Les Cavaliers (1967).

Entre-temps, il avait publié un long roman en trois volumes, Le Tour du malheur, ainsi que Les Amants du Tage, La Vallée des Rubis, Le Lion, Tous n’étaient pas des anges, et il ferait revivre, sous le titre Témoin parmi les hommes, les heures marquantes de son existence de journaliste.

Consécration ultime pour ce fils d’émigrés juifs, l’Académie française lui ouvrit ses portes. Joseph Kessel y fut élu le 22 novembre 1962, au fauteuil du duc de la Force, par 14 voix contre 10 à Marcel Brion, au premier tour de scrutin.

« Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France, déclara-t-il dans son discours, dont les ancêtres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît. Un juif d’Europe orientale... vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. De la sorte, messieurs, vous avez donné un nouvel et puissant appui à la foi obstinée et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixés sur les lumières de la France. »

« Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme » François Mauriac.

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